Contributeur: Frédéric LETHE, directeur de la Direction de l’Adoption – ACC

Avoir une réflexion commune avec les différents acteurs de l’Aide à la jeunesse sur la question de l’adoptabilité de l’enfant et sur l’adoption de l’enfant comme mesure d’aide et de protection à la jeunesse et en faire connaître les conclusions ou orientations à l’ensemble du secteur de l’Aide à la jeunesse.

Quelle question mériterait d’après vous un examen collectif dans le cadre des Assises de la prévention?

  1. L’adoption est une mesure de protection de l’enfance et de facto une mesure de prévention. Cela fait-il consensus au sein du secteur de l’Aide à la jeunesse?
  2. L’examen de l’adoptabilité de l’enfant peut-il être considéré comme un moyen de protection de l’enfance?
  3. Comment faire connaître mieux l’adoption interne comme un moyen d’aide et de protection de l’enfance, ainsi que la procédure liée à cette adoption?

Pourquoi cela vous apparaît-il nécessaire?

Comme le prévoit la Convention Internationale des Droits de l’enfant, l’enfant a le droit de grandir en famille; tout enfant en étant privé ou qui, dans son propre intérêt, ne peut y être laissé, a droit à une protection de remplacement, qui peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, d’une kafala, de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement institutionnel.

En Communauté française, le Décret du 18 janvier 2018 portant le Code de la prévention, de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse précise également que l’aide et la protection doivent se dérouler prioritairement dans le milieu de vie, l’éloignement de celui-ci étant l’exception.

En 2016, une brochure éditée par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Direction de l’Adoption, intitulée “L’adoption: mesure de protection de l’enfant? Regards croisés de professionnels sur l’adoption interne en FWB”, indiquait néanmoins que nous devons garder à l’esprit que c’est bien “l’intérêt et les besoins individuels de l’enfant qui doivent rester au cœur du processus de prise en charge“. Il va donc “contre son intérêt de le laisser dans des situations soit-disant transitoires pendant des durées indéfinies“, ce qui est malheureusement encore souvent le cas.

Comme cela était aussi précisé dans cet ouvrage, “les standards internationaux, les études scientifiques dans le domaine ainsi que les nombreux témoignages d’enfants placés convergent tous vers la nécessité d’offrir un environnement familial stable et permanent indispensable, sauf rares exceptions, à leur construction, à son bon développement et à son plein épanouissement; qu’il s’agisse de la réintégration familiale de l’enfant dans sa famille d’origine –avec laquelle il a été possible de résoudre la situation ayant conduit à la séparation-, de son placement chez un membre de la famille élargie ou encore de la mise en place d’un bilan d’adoptabilité de l’enfant en vue de son adoption.

Etaient alors rapportés divers témoignages et contributions d’acteurs de terrain, issus ou non du secteur de l’adoption, afin de montrer en quoi l’adoption peut être une mesure de protection pour certains enfants dans certaines situations.

Y était également soulevé le constat que “La majorité des situations d’enfants adoptés en FWB par l’intermédiaire d’un OAA le sont dans le cadre d’adoptions extrafamiliales. Il s’agit d’enfants confiés en adoption peu de temps après leur naissance avec le consentement de leur mère (et parfois de leur père) de naissance. Ce sont des situations non protectionnelles.” et “Dans certaines situations, plus rares, l’initiative du projet d’adoption peut émaner d’une autorité mandante (juge de la jeunesse, conseiller de l’AJ, directeur de l’AJ) qui envisage alors l’adoption comme une mesure de protection pour cet enfant. Il s’agit alors de situations dites ‘protectionnelles’”.

Dans cette brochure de 2016, il était déjà toutefois relevé que “force est de constater que, si l’adoption internationale (c’est-à-dire celle nécessitant un déplacement international de l’enfant) s’inscrit pleinement dans une vision de protection de l’enfant, l’adoption interne (c’est-à-dire celle visant des enfants vivant en Belgique) souffre encore trop souvent d’une forme d’ambiguïté dans le regard que lui portent nombre d’intervenants du champ psycho-social, au point de n’être pas perçue comme l’une des mesures de protection de l’enfant mais au contraire comme un échec de ces mesures.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette ambiguïté:

  • la persistance d’une information lacunaire, voire erronée, des professionnels quant aux réalités de l’adoption en Fédération Wallonie-Bruxelles;
  • les effets pervers d’une compréhension inadéquate du principe de la priorité assignée au maintien de l’enfant dans son milieu familial;
  • le poids de l’histoire des adoptions dans notre pays qui, avant les années ‘90, se sont déroulées sans balises juridiques et éthiques suffisantes (adoptions sauvages ou en filière libre, absence de professionnalisme des intervenants, …).

 

Or, il nous apparaît que cette situation de 2016 semble toujours d’actualité aujourd’hui, cinq ans plus tard.

D’autres constats de terrain peuvent en outre être tirés.

  • Plus vite un enfant est déclaré adoptable, moins longtemps il risquera de passer par des institutions ou dans des familles d’accueil transitoires, ce qui lui permettra notamment d’éviter les différentes formes de violences, qu’elles soient familiales, institutionnelles ou structurelles.
  • Au plus tôt un enfant est confié à l’adoption, lorsque cela s’avère être la meilleure solution adaptée à ses besoins et à sa situation, au plus il évite les risques de ruptures multiples. Or, trop souvent les enfants arrivent dans le processus de façon tardive, ce qui a pour conséquence une augmentation des risques d’aggravation de sa situation, de troubles de l’attachement et autres dégâts émotionnels, cognitifs, psychologiques et relationnels.
  • Au plus tôt des enfants sont confiés à l’adoption, lorsque cela s’avère être la meilleure solution adaptée à leurs besoins et à leurs situations, au plus tôt ils libèrent des places dans les institutions résidentielles, dans les familles d’accueil, … pour les enfants pour qui ces solutions seraient plus particulièrement adaptées mais qui ne peuvent y accéder faute de places disponibles.
  • Au plus tôt des enfants suivis par des services de l’Aide à la jeunesse sont confiés à l’adoption, lorsque cela s’avère être la meilleure solution adaptée à leurs besoins et à leurs situations, au plus les coûts liés à leur prise en charge diminuent pour la FWB, économies pouvant être redistribuées ailleurs dans l’AJ.
  • Plus un enfant est grand, moins il risque d’être adoptable psychologiquement.
  • Plus un enfant est grand, plus il est difficile de trouver des candidats adoptants.

Quelles sont vos attentes par rapport à ce travail d’exploration?

  • Avoir une réflexion commune avec les différents acteurs de l’Aide à la jeunesse sur la question de l’adoptabilité de l’enfant et sur l’adoption de l’enfant comme mesure d’aide et de protection à la jeunesse.
  • A l’issue de cette réflexion, faire connaître les conclusions ou orientations à l’ensemble du secteur de l’Aide à la jeunesse.

Autres éléments que vous souhaitez mettre en avant

Il serait intéressant de rappeler l’existence de la brochure éditée par la Direction de l’Adoption intitulée “L’adoption: mesure de protection de l’enfance? Les regards croisés de professionnels sur l’adoption interne en FWB” et de continuer à la diffuser.