Contributeur: Asbl ATOUTS

Se pencher sur les pratiques du secteur

Quelle question mériterait d’après vous un examen collectif dans le cadre des Assises de la prévention?

Se pencher sur les pratiques du secteur

Pourquoi cela vous apparaît-il nécessaire?

Partant du fait que nous sommes des professionnels de l’aide à la jeunesse et que le décret définit la prévention comme ‘un ensemble d’actions, de type individuel et de type collectif, au bénéfice des jeunes vulnérables, de leur famille et de leurs familiers, qui favorise l’émancipation, l’autonomisation, la socialisation, la reconnaissance, la valorisation, la responsabilisation, la participation et l’acquisition ou la reprise de confiance en soi des jeunes, de leur famille et de leurs familiers en vue de réduire les risques de difficultés et les violences, visibles ou non, exercées à l’égard du jeune ou par le jeune’, nous devons nous pencher sur ce qui favorise le développement de l’enfant et du jeune dans sa globalité et donc aussi sur ce qui, dans nos actions de professionnels du secteur de l’aide à la jeunesse, ne va pas dans ce sens.

Il apparaît depuis de nombreuses années et davantage encore ces deux dernières années que la prise en charge des jeunes par les différents services publics et privés de l’aide à la jeunesse est parfois vécue comme de la ‘maltraitance institutionnelle’ tant par les professionnels eux-mêmes que par les jeunes, leur famille et leurs familiers. Il nous est apparu pertinent de nous pencher sur 4 thématiques qui peuvent participer ou entraîner une forme de ‘maltraitance institutionnelle’.

Les enfants et les problématiques

  • Les ‘incasables’ dont on nous dit qu’il y en a de plus en plus; les difficultés de mener à bien le travail avec les parents en SRG, ne fut-ce que dans l’accompagnement des visites et particulièrement des visites encadrées, les séjours en SRU qui se prolongent, des enfants qu’on nous présente comme étant de plus en plus abîmés et ne devant pas être prise en charge par le secteur AAJ mais par la psychiatrie ou le secteur du handicap…
  • La situation socio-économique de plus en plus précaire pour certaines familles, la grande variété de types de situations familiales, l’arrivée (ou non) des nouvelles technologies dans les familles et le rapport avec le milieu scolaire induisent des vécus d’enfants de plus en plus complexes, nécessitant des prises en charge davantage pensées, réfléchies, individualisées, ce qui induit souvent un réel sentiment d’impuissance chez les intervenants.

Les manques

  • Au niveau des places: dans tous les types de service du secteur et en dehors, ce qui induit que des enfants qui doivent être protégés ne le sont pas, qu’ils sont parfois ballotés d’un service à l’autre, qu’ils rentrent chez leurs parents car il n’y a pas d’autre possibilité alors qu’il est clairement déterminé qu’ils nuisent au bon développement de leur enfant… Et nous savons malheureusement que cela a tendance à accentuer leurs difficultés d’apprentissages, de socialisation, de confiance en soi…
  • Au niveau du personnel: le nombre de dossiers par délégués, le nombre d’éducateurs dans les SRG, le nombre de psychologues dans les SAAF, et le turn-over dans les services tant publics que privés empêchent beaucoup de jeunes de profiter de véritables prises en charge qui favorisent la reconnaissance, la valorisation…
  • La prise en considération de la présence d’une fratrie lors de l’ouverture d’un dossier. Comment ne pas se pencher sur la situation des enfants qui restent au sein d’un environnement que le secteur aura jugé toxique, insatisfaisant pour un enfant mais pas nécessairement pour un autre? Nous passons là à côté d’une temporalité qui permettrait parfois d’éviter que la fratrie ne soit elle aussi confrontée à un environnement inadéquat. Certes chaque enfant est singulier mais les besoins auxquels ils sont confrontés sont globalement identiques: la sécurité physique et affective notamment.

Le besoin de formation et d’accompagnement des professionnels

  • Services publics: Nous observons l’arrivée, comme directeurs et conseillers, de plus en plus de juristes et un nombre important de délégué(e)s qui sortent de l’école. La plupart ont peu de connaissances scientifiques sur les besoins des enfants de manière globale et encore moins de connaissances sur la spécificité des besoins de la plupart des enfants pour lesquels sont ouverts des dossiers AAJ. La plupart de ces travailleurs fonctionnent essentiellement avec leurs propres croyances, représentations, qu’ils ont construites en lien avec leur histoire personnelle d’enfant, de parent. Cela entraîne que les décisions et les orientations prises pour des enfants qui ne correspondent pas vraiment à leurs besoins mais à des croyances.
    Nous avons tenté d’intégrer des membres de services publics à certaines de nos formations, nous avons eu des demandes venant de leur part mais les moyens financiers accordés à la formation du personnel sont quasi nuls.
    Par exemple, le droit aux relations personnelles peut induire une série de décisions dans lesquels on maintient à tout prix des liens entre parents biologiques et enfants alors que ces derniers ont été réellement traumatisés et ‘malmenés’ pendant ces rencontres.
  • Services privés: un contexte socio-économique créant de plus en plus de précarité pour de nombreuses familles, la spécificité des situations AAJ induisent encore davantage une formation permanente du personnel qui doit devenir de plus en plus spécialisé pour faire face à la complexité des situations à accompagner.
  • Pour l’ensemble du secteur, au vu de la difficulté du travail mené et à mener, nous nous étonnons que les impacts émotionnels et la prise de recul indispensable ne soient pas davantage pris en compte et qu’il ne soit pas permis aux professionnels d’être mieux accompagnés, soutenus, supervisés et entendus sur les difficultés qu’ils rencontrent dans le cadre de leur pratique. Ceci induit un turn-over important dans le travail et impacte donc directement les prises en charge des enfants et des jeunes par la discontinuité de la présence des professionnels.

Les aspects organisationnels

  • Il existe encore au sein de l’AAJ, des ‘mégastructures’ dans lesquelles les préoccupations et décisions prises par la direction générale sont loin des besoins de l’enfant.
  • Selon les divisions ou les arrondissements, il est clair qu’un enfant de l’AAJ n’égale pas un autre enfant de l’AAJ: les pratiques sont différentes selon le conseiller et le directeur. La personnalité, les habitudes et les éléments sur lesquels les décisions portent varient en fonction de l’endroit où les enfants/jeunes sont pris en charge.
  • Le manque de relais d’informations entre les différents services quand l’enfant passe de l’un à l’autre, entraînant une fois de plus de la discontinuité, un manque de considération ressentie par l’enfant, le jeune et ses familiers.

Quelles sont vos attentes par rapport à ce travail d’exploration?

C’est donc une réflexion et une remise en question des pratiques du secteur qui se veut être celui qui aide et protège les enfants et les jeunes que nous souhaiterions exposer aux assises de la prévention. Car ne pas le faire constituerait un acte de ‘sabotage’ des pratiques qui pourraient être proposées en amont de la prise en charge, en prévention.