Projet : “un logement, point d’appui vers l’autonomie”

Porteurs: CIAJ-AMO, en partenariat avec l’ASBL Solidarité Logement et l’agence immobilière sociale (Aux Portes de Liège)

L’accès à un logement social et/ou privé nous semble être la condition pour installer le jeune dans des conditions de dignité et de construction de projets personnels, scolaires et/ou professionnels afin de lutter contre les situations de sans-abrisme et de vulnérabilité sociale des jeunes.

Quel est le fait social concerné?

L’AMO porte des projets particuliers en fonction des constats soulevés dans le diagnostic social du territoire d’intervention déterminé.

L’une des problématiques relevées par les jeunes que nous accompagnons, est la difficulté d’avoir accès à un logement, et un logement décent. L’accès à des conditions de vie et matérielles décentes voire confortables permet au jeune, en plus de l’accompagnement psycho-social, de pouvoir se concentrer sur son projet de vie et sur ses ressources personnelles afin de travailler à sa propre autonomie. Cette première expérience d’autonomie accompagnée facilite chez le jeune sa construction personnelle, lui permet de travailler sur son estime de soi et d’envisager son avenir plus sereinement.

Parmi les difficultés vécues par les familles que nous accompagnons habituellement, on retrouve les violences intrafamiliales et les difficultés financières. Les derniers mois et la crise sanitaire ont encore amplifié ces difficultés. La promiscuité et l’exiguïté des logements dans les quartiers ne facilitent pas toujours le maintien d’une atmosphère familiale sereine, et accentuent les tensions.

Ces aspects relatifs à l’environnement familial ont, pour certains jeunes, des conséquences défavorables sur leur parcours scolaire, sur leurs conditions de vie et sur les liens familiaux qui ont parfois explosé. Des jeunes de 18 ans à peine se retrouvent en situation d’errance, et contraints de vivre au quotidien des situations dont la débrouille est le seul fonctionnement. Il est souvent difficile pour les jeunes de prendre leur envol. Ils ont besoin d’information sur leurs droits et obligations face aux différentes institutions et d’accompagnement dans leur projet de vie personnel. En rupture avec le milieu familial, ils ont épuisé toutes les ressources de leur environnement, ils vivent des situations d’errance, de débrouille. Ils sont à la recherche d’un lieu où se poser, où vivre dans des conditions matérielles décentes, en sécurité, un lieu où se retrouver, se construire et élaborer un projet personnel et prendre leur autonomie.

Ces constats nous ont amené à développer une réflexion, puis un projet qui permet de favoriser l’accès à un logement pour des jeunes de 18 à 25 ans.

Quels sont les Groupes concernés?

Le projet du CIAJ et de l’ASBL ‘Solidarité Logement’ s’adresse à des jeunes majeurs âgés de 18 à 25 ans. Il s’agit de proposer aux jeunes dits en ‘errance’ de prendre leur autonomie, d’obtenir un logement de transition (durée maximale de 18 mois) avec un accompagnement socio-éducatif effectué par le CIAJ.

Quelle description de la problématique peut être faite?

La montée fulgurante des loyers, l’explosion du coût de l’énergie, la diminution des remboursements des soins de santé, l’augmentation généralisée du coût de la vie conjuguée à la fin de l’ère du plein-emploi, à l’exclusion du chômage de catégories entières de la population ainsi qu’au détricotage des politiques sociales ont aggravé la situation des personnes déjà précarisées. Aussi, de nouvelles couches de la population sont impactées et basculent dans la pauvreté, il s’agit ici des ‘nouveaux pauvres”’ Ces éléments démontrent l’inaccessibilité au logement pour une partie importante de la population.

Parmi nos jeunes concernés, nous remarquons que le réseau familial est majoritairement constitué d’allocataires sociaux. Les revenus des familles ou des jeunes seuls sont insuffisants pour assurer le quotidien. Certains jeunes vivent une insécurité et une instabilité par rapport au logement. Ils sont confrontés à l’urgence (factures, loyer…). Il persiste une difficulté pour les jeunes de concevoir leur futur. Les jeunes sont confrontés à l’urgence de satisfaire leurs besoins vitaux, qui est difficilement compatible avec un projet scolaire ou professionnel. Ces problèmes conduisent le jeune vers une désaffiliation sociale.

Entre les logements sociaux trop peu nombreux et pour lesquels on annonce un délai de cinq à dix ans d’attente (et encore plus long pour les grands ménages) et les logements insalubres, malgré les promesses d’un Code du Logement qui peine à se faire appliquer sur le terrain, de plus en plus de personnes vivant sur le fil de la grande précarité se fragilisent chaque jour davantage jusqu’à, parfois, basculer à la rue.

Nous pouvons identifier plusieurs freins lors de la recherche d’un logement.

  • La quantité de démarches administratives (justificatifs…) à renouveler régulièrement aux Logements Sociaux et aux Agences Immobilières Sociales.
  • Les revenus de remplacement restreignent fortement les possibilités de location.
  • Des propriétaires refusent fréquemment les locataires dont les revenus sont de remplacement.
  • Tous ne disposent pas d’une réserve pour la garantie locative et des propriétaires refusent les cautions en provenance du CPAS.
  • Certains ne disposent pas d’une connaissance pouvant se porter garante.

 

L’identification des freins a été réalisée sur base d’une consultation de jeunes majeurs, pour la plupart en recherche de logement. Ils évoquent une stigmatisation des jeunes et des allocataires sociaux. Les jeunes disent que leurs revenus sont trop faibles par rapport à l’offre locative. En outre, ils ne sont pas solvables comme l’exigent certains propriétaires. Quant à la caution, certains propriétaires ne respectent pas la loi (compte bloqué), ce qui ne correspond pas aux exigences pour percevoir la garantie locative du CPAS. En outre, le délai d’attente d’une réponse du CPAS est trop long par rapport aux attentes des propriétaires.

Cette situation, couplée à la lourdeur des démarches à effectuer, constitue des freins importants. Plusieurs services AMO pallient le manque d’accompagnement de ces jeunes majeurs et les aident, tant bien que mal, à pouvoir prendre leur envol dans les meilleures conditions possibles.

Que cherche-t-on à prévenir?

L’accès à un logement social et/ou privé nous semble être la condition pour installer le jeune dans des conditions de dignité et de construction de projets personnels, scolaires et/ou professionnels afin de lutter contre les situations de sans-abrisme et de vulnérabilité sociale des jeunes. Il nous semble essentiel d’influer positivement sur les conditions de vie préalablement à un accompagnement axé sur l’insertion et l’intégration.

Quel est le timing de l’action?

Le projet sur la commune de Saint-Nicolas ‘un logement, point d’appui vers l’autonomie’ est en cours de construction. Les premiers jeunes pourront bénéficier d’un logement à partir du premier trimestre 2022.

Le projet offre plusieurs logements de transit destinés aux jeunes avec ou sans enfant(s). Les logements seront occupés par les bénéficiaires pendant une durée d’un an, extensible une fois pour 6 mois en fonction de l’évolution personnelle du jeune.

Un projet similaire est en élaboration sur la commune de Seraing.

Quelle transformation sociale est souhaitée?

À notre échelle, notre projet répond à la problématique de l’accès à un logement pour certains jeunes du territoire de Seraing et de Saint-Nicolas. ‘Être bien logé est une condition indispensable à toute insertion sociale et professionnelle’. Il met en lumière un phénomène qui ne semble pas s’atténuer. Ce phénomène et notre projet interrogent plus globalement la place des jeunes majeurs dans leur environnement et dans les politiques d’aides.

Néanmoins, des projets comme les nôtres n’existent que par la volonté et l’énergie de quelques-uns. Dès lors, il est indispensable que les pouvoirs publics à tous les niveaux (communal, régional, communautaire, fédéral) se saisissent du phénomène en tant que fait social. Il est nécessaire d’avoir des politiques sociales inclusives pour permettre aux jeunes vulnérables, tels que définis par le Décret du 18 Janvier 2018 portant sur le code de la Prévention, de l’Aide à la Jeunesse et de la Protection de la Jeunesse, d’avoir accès à des logements décents pour contribuer à un processus de prise d’autonomie, et leur permettre d’entrer dans une vie d’adulte, avec un statut de citoyen à part entière. C’est un enjeu fondamental.

Quels sont les acteurs mobilisés et quelles relations seront construites entre eux? Quels sont les apports et retours espérés pour chacun d’eux?

L’ASBL ‘Solidarité Logement’ s’est portée acquéreur d’un bâtiment qu’elle met à disposition du projet d’accompagnement des jeunes vers la prise de leur autonomie. Les clefs de réussite du projet résident dans l’élaboration d’un partenariat où chaque acteur est reconnu dans sa spécificité, son secteur et ses valeurs.

Ainsi Solidarité Logement met à la disposition de l’AMO l’outil qui lui permet d’opérationnaliser une action qui correspond aux priorités de son diagnostic social, du besoin du public. L’Agence Immobilière Sociale, quant à elle, prend en charge la gestion locative du bâtiment et des jeunes locataires.

Les travailleurs sociaux du CIAJ-AMO accompagneront le jeune, à sa demande, dans son projet de prise d’autonomie, de manière individuelle et collective.

Le partenariat initial est appelé à s’agrandir en fonction des besoins et des parcours des jeunes. La Régie de quartier, les organismes d’insertion socio-professionnel, et le CPAS bien entendu deviennent des alliés naturels du projet.

Autres éléments que vous souhaitez mettre en avant

Avec le décret du 18 Janvier 2018 portant le code de la prévention, de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse, les services AMO ont pu faire le choix d’étendre leur action aux jeunes adultes jusqu’à 22 ans. Ce choix entérinait pour certaines de ces AMO une situation de fait quant à une population de jeunes majeurs en demande d’accompagnement. On peut dès lors poser légitimement la question de la pertinence de n’avoir pas fixé la limite d’âge à 25 ans.

Non seulement ce choix ne reflète pas la réalité de terrain mais encore, il complique la tâche des travailleurs quant à l’accompagnement et la construction de projets personnels avec une population grandissante. Cette limite est en décalage avec les dispositifs développés par d’autres secteurs, par d’autres entités (Action Sociale, FSE, …).

La limite de l’accompagnement à 22 ans moins 1 jour doit nécessairement être étendue à 25 ans pour amener des possibilités de réponses à des situations problématiques pour lesquelles l’approche et la philosophie de l’AMO sont complémentaires à des approches existantes mais parfois inadaptées à la situation de jeunes aux portes de la précarité et en voie de désaffiliation sociale.