Projet: “Vivre mère, vivre père, et manquer”

Porteurs: projet mené par différentes AMO de la Province de Luxembourg, en partenariat avec l’asbl “Santé en développement” et surtout, les “personnes en situation” – notre projet nous renvoie d’entrée de jeu à cette question élémentaire: “comment allons-nous nommer ce que le jargon habituel appelle ‘le bénéficiaire’ ou ‘allocataire social’, sans connoter, étiqueter, réduire la personne à ses besoins, carences, contexte?”. C’est une vraie préoccupation et qui nous amène à la base de notre approche “co-construction et horizontalité”; nous n’emploierons pas des termes qui génèrent déjà de la fermeture et qui n’appellent pas à l’ouverture. Nous dirons “personne en situation, mère ou père”.

La prévention commence par se mettre à côté de la personne.

L’objectif est que les professionnels et les “personnes en situation” se reconnaissent mutuellement et se sentent mieux équipés pour aborder les difficultés et tenter de les surmonter; avec pour effet de réduire la distance entre les interlocuteurs. Nous avons travaillé aux côtés des personnes tout au long du projet et ce travail nous a amené, au-delà du contenu, à nous interroger sur le travail de prévention et ainsi, à mettre en évidence différents points d’attention.

Quelle action de prévention est concernée?

Un projet impliquant les parents et les professionnels de manière directe afin qu’ils se reconnaissent mutuellement et se sentent mieux équipés pour aborder les difficultés et tenter de les surmonter; avec pour effet de réduire la distance entre les interlocuteurs.

Faits sociaux concernés

  • Isolement social des familles dites vulnérables et/ou en situation de précarité.
  • Décalage de perception entre les professionnels et les parents réputés “bénéficiaires”.
  • Le regard/les étiquettes posé/es sur ces personnes par les services ou instances et qui, involontairement, malgré eux, participent à la stigmatisation, voire l’exclusion/la désaffiliation.


Ces différents faits sociaux découlent de nos constats faits lors de nos différentes actions de prévention éducative.

Au moment de l’écriture, l’objectif, tel qu’inscrit dans le projet prévention générale 2018-2020, n’est pas encore atteint. Toutefois, un certain nombre d’actions de prévention, principalement éducative, se sont concrétisées à travers le processus et la méthodologie.

  • Rechercher des partenaires parents et leur adhésion au projet. Tous acteurs.
  • Soutenir une approche horizontale, tant des professionnels que des mères ou des pères. Tous soumis aux mêmes questions de la parentalité, de la précarité.
  • Permettre aux personnes de se raconter, d’oser dire, d’avoir une parole libre, d’être entendues et reconnues comme tel.
  • Au travers de leurs témoignages, reconnaître leur expertise au même titre que celle des professionnels.
  • Retranscrire mot à mot leurs dires.
  • Recueillir leurs témoignages sous la forme d‘un support vidéo par RTA.
  • Consolider la valeur du travail par une matinée de diffusion critique des travaux réalisés avec tous les partenaires.

 

Chacune des étapes s’est vue validée par l’ensemble des partenaires (mère, père et professionnels). Celles-ci ont favorisé l’estime des parents, puisque sans eux, le projet n’a pas de raison d’être.

On ne connaît pas encore l’aboutissement du projet, mais il paraît important de souligner que si le projet devait s’arrêter ici, il ne serait pas considéré comme un échec aux vues de tout l’apport fait durant le processus.

En effet, le projet n’est pas que l’aboutissement. Le travail mené auprès des équipes et des familles a du sens et a amené une dynamique réflexive en interne, entre partenaires AMO; a renforcé les familles dans la confiance en elles et les a sans doute aidées à prendre une place autre dans leur entourage, dans la société.

Actions de prévention à venir

  • Sensibiliser, déconstruire des a priori auprès des professionnels intéressés et du grand public, encourager les abandons de postures qui peuvent être jugeantes, disqualifiantes, voire dénigrantes pour réussir dans la correspondance avec les personnes composant notre public.
  • Lancer le grappin sur les consciences du grand public, du politique et des administrations pour desserrer l’étau et casser ces présupposés communs.
  • Mettre en lumière les droits bafoués en mettant en avant les expériences vécues et leur donner une forme esthétique qui sera regardée avec intérêt, afin de pouvoir les traduire en revendications.

 

Que cherche-t-on à encourager par la prévention?

  • Que les professionnels réfléchissent et travaillent leur posture ou leur disponibilité à la bienveillance envers les parents.
  • Que les parents soient en situation de moins grand isolement.
  • Qu’ils soient moins loin ou “hors d’atteinte” pour se faire comprendre des professionnels.

Quelles sont les questions que cette expérience a fait surgir?

  • La bienveillance envers les parents.
    Allons-nous pouvoir réaliser le projet dans le temps imparti et nous adapter au rythme que les personnes?
    Cette notion d’échéance produit une mise sous pression avec un risque de moins bien faire pour être dans les délais, d’aller moins en profondeur, de moins respecter le rythme des familles… Ce qui pourrait altérer la qualité de la réflexion pour pouvoir rentrer dans les temps.
  • Quel accueil/place à l’inattendu?
    Le présent projet s’inscrit dans une lignée de projets entamés en 2017, avec des noms différents mais qui concernent la même thématique. En effet, sur 4 année de travail, les différents supports imaginés ont évolué, s’éloignant des premières réflexions inscrites dans le projet rentré.
    Dès lors, quelle place va prendre l’inattendu dans l’évaluation?
  • Attend-t-on de nous un résultat final?
    Est-ce que seul le résultat final abouti compte? Ou, à défaut de celui-ci, ce qui a permis le processus peut-il être reconnu comme suffisant?
    La notion de résultat ne doit pas primer sur le processus.
  • Les professionnels ont la liberté de dire “on arrête”. Qu’en est-il pour les familles? Ce droit/cette liberté est-il/elle reconnu.e par le l’environnement social?
  • Comment articuler les notions de prévention éducative et sociale versus Arrêté AMO et versus Code?
    Nous avons à plusieurs reprises soulevé les difficultés d’articulation entre prévention sociale et prévention éducative mais surtout le risque de scinder trop les choses et donc de perdre la richesse de la complexité et de l’articulation. Une partie de ces incompréhensions ne seraient-elles pas dues à des définitions quelque peu différentes entre la prévention dans le Code et dans l’arrêté AMO? Si la définition de la prévention du Code est unique et convient, il apparait des nuances d’interprétation entre la prévention sociale et la prévention éducative telle qu’elle sont définies à l’article 4 du Code et telles qu’elles sont définies dans l’arrêté AMO. La notion de collectif, dans le Code, est principalement du fait de la prévention éducative. Or dans l’arrêté AMO, les actions collectives sont tout autant reprises dans la prévention éducative que dans la prévention sociale. Ces nuances sont à la base d’incompréhensions. La richesse et les articulations sont à notre sens à protéger, n’y a-t-il pas lieu d’y réfléchir? Ce projet réalisé nous a mis en évidence cela sans pour autant pouvoir apporter de réponses ni ne nous donnant la capacité de porter le débat plus haut.

Comment avez-vous essayé de les résoudre?

  • Nous avons porté une attention particulière au rythme des personnes. Si on ne le respectait pas, de facto le projet s’arrêtait. On a privilégié le rythme des personnes plutôt que la temporalité imposée par les appels à projets.
    Nous avons dû apprendre à accepter et faire avec les inattendus et imprévisibles que nous présentaient les familles.
  • Faire avec un “public vulnérable” et faire avec les “incontournables”, ce n’est pas aller vers la facilité.
  • Nous avons essayé d’appliquer la même indulgence pour tous, professionnels et familles. “Professionnels et familles ont des rythmes différents”, c’est pourquoi nous avons dû composer pour que ces deux rythmes puissent cheminer ensemble.
  • Pour sortir d’une échéance administrative et pour préserver l’essence même du projet, nous avons décidé de renoncer à la subvention 2021 liée au dit projet afin de rester au plus proche des intentions de départ.
  • Par rapport aux nuances au niveau de la prévention, nous ne nous sommes pas attardés sur cela durant le projet mais les questions restent présentes et nous les relayons vers les assises. En effet, la prévention menée par les CP est-elle la même que celle définie dans les Arrêtés d’AMO? Il sera important de clarifier les définitions de la prévention car ce sont les écarts qui amènent à des confusions.

Quels enseignements en tirez-vous pour la mise en œuvre de la politique de prévention?

  • La prévention commence par se mettre à côté de la personne.
  • La nécessité d’une démarche “innovante” ne constitue-t-elle pas un frein à introduire un projet? Faut-il qu’un projet soit innovant pour qu’il soit pertinent? Est-il une condition sine qua none à la pertinence d’un projet? Ne gagnerait-il pas à être simplement, mais pleinement authentique?
    Il serait alors utile de clarifier la définition/notion du terme innovant.
  • En questionnant le secteur non marchand, n’est-il pas en train de glisser vers une politique de secteur marchand par nécessité de produire, de produire, de produire de nouveaux projets?
  • Une attitude de réserve avant de recourir aux projets de prévention générale vu la lourdeur temporelle et administrative.
  • Éviter d’installer des cloisons entre la prévention sociale et la prévention éducative.
  • Un point d’attention: le fait qu’une AMO ne participe pas à l’appel à projet ne veut pas dire qu’elle ne fait pas de prévention sociale.

Autres éléments que vous souhaitez mettre en avant

Dans ce projet, la présence d’un acteur extérieur de l’AJ (intersectorialité) a permis l’aboutissement de ce projet.

Il nous a sorti de nos us et coutumes favorisant ainsi une position plus macro; et donc a composé et articulé deux visions communes mais dans des réalités différentes.

Nous avons souhaité refléter au mieux la réalité de vie de ces “personnes en situation”, d’amener l’entourage sociétal à les regarder, à les entendre avec respect et à les considérer.
L’objectif est que les professionnels et les “personnes en situation” se reconnaissent mutuellement et se sentent mieux équipés pour aborder les difficultés et tenter de les surmonter; avec pour effet de réduire la distance entre les interlocuteurs.

Nous avons travaillé aux côtés des personnes tout au long du projet et ce travail nous a amené, au-delà du contenu, à nous interroger sur le travail de prévention et ainsi, à mettre en évidence des points d’attention suivants.

  • Le travail de prévention sociale se fait sur du long terme. Cela prend du temps.
  • Pour avancer au rythme des personnes, cela nécessite aussi de disposer de ce temps et d’une certaine souplesse.
  • Les directions que peuvent prendre un projet de prévention au cours de son parcours sont tout aussi riches que le projet d’origine.
  • Pour ne pas être pris dans des obligations de résultat, il est important d’être entendus et soutenus dans cette démarche qui se crée en direct, avec les personnes, par les pouvoirs subsidiant.
  • La prévention en Aide à la Jeunesse est riche de sa complexité. Elle ne doit pas aller à la facilité ou à la visibilité à tout prix. Un projet ne doit pas se réduire à une “vitrine”.