Projet: “Un temps pour nous”

Porteurs: CAP AMO (Centre d’Accompagnements et de Préventions), en concertation avec le SAJ et le SPJ de Verviers, le service de Prévention de la division Verviers, le SASE “Oasis” de Dolhain et le mouvement de lutte contre la pauvreté “ATD Quart Monde”

Le projet consiste à rassembler, le temps d’un weekend, des familles dont les enfants font l’objet d’une mesure de placement. C’est l’occasion pour les enfants tout comme pour les parents, de vivre des moments privilégiés en famille, de maintenir un lien et de créer des souvenirs communs. C’est aussi une expérience de séjour en collectif où les familles s’inscrivent dans un processus qui leur permettent d’exercer leur parentalité dans un climat de détente et de loisirs.

Quel est le fait social concerné?

Rejoindre les familles dans un des combats qui engendre le plus de souffrance est une des préoccupations que nous souhaitons réaffirmer encore davantage à l’avenir. Ce combat c’est celui de mères et de pères qui souhaitent pouvoir (re)construire ou maintenir un véritable lien avec leur(s) enfant(s). Nous désirons rappeler à quel point la séparation est génératrice de souffrance et est vécue de manière violente par les familles. Loin de nous l’idée de remettre en cause les raisons qui poussent les autorités à organiser une mesure d’éloignement, nous soulignons cependant l’aspect vital et fondamental du maintien du lien dans ces situations.

Accompagner les familles dans l’obtention du respect de leurs droits; mettre en œuvre les conditions favorables à la rencontre et à la création de souvenirs communs; soutenir les parents dans l’acquisition d’exemples relationnels nouveaux au cours de moments de la vie quotidienne et d’une démarche de groupe, … Voici une série d’objectifs que nous entendons poursuivre au cours des semaines, des mois et des années à venir.

Quels sont les Groupes concernés?

Principalement, les familles (parents et enfants) qui vivent une mesure de placement.

Quelle description de la problématique peut être faite?

Pour les familles, les placements sont souvent vécus de manière très violente (à la fois par l’enfant et par les parents). Nous rejoignons cet avis et pensons d’ailleurs que ce sentiment est partagé par les professionnels de l’Aide à la Jeunesse. Il est d’ailleurs très difficile pour nous, professionnels, de prendre la mesure de la souffrance, de la culpabilité et de la disqualification liées à la séparation. Cette violence ressentie pourrait s’expliquer notamment par un manque de compréhension du sens du projet d’éloignement des familles concernées par un placement.

De plus, les visites encadrées sont parfois mal vécues par les familles. Comment l’expliquer? Nous pensons que le cadre proposé pour ces visites peut parfois sembler artificiel et manquer de naturel, de spontanéité. Les familles rapportent également des temps de visite trop espacés et trop courts. Serait-ce dû à un manque de moyens au niveau des services qui encadrent des rencontres parents-enfants?

Les familles aspirent à voir leurs enfants dans de bonnes conditions, en étant respectées dans leur “culture familiale”. Nous observons effectivement qu’il existe trop peu “d’offres” qui permettent de travailler le lien à travers de véritables moments en famille (naturels, quotidiens et, lorsque c’est possible, avec la famille élargie). Tous ces éléments trouvent évidemment leur source dans une forte demande de la part des familles, qui souhaitent disposer d’un maximum d’outils pour maintenir un véritable lien avec leurs enfants.

De manière générale, nous constatons également que le manque de moyens de notre secteur nous amène à des placements souvent très longs. Parfois, ces placements sont également éloignés géographiquement, ce qui complique évidemment la tâche des parents. Ceux-ci ne trouvent d’ailleurs pas toujours leur place dans le projet mis en place autour de l’enfant. Ce manque de moyens provoque également un grand risque de décrochage de la part des parents au cours de la première année de placement lorsque le lien est trop peu travaillé. Enfin, les retours en famille sont bien trop compliqués après un placement de longue durée.

Un autre constat qui nous semble primordial de relever est que si nous ne pouvons minimiser le nombre de placements décidés pour des motifs graves, il nous faut aussi considérer le nombre important de placements ordonnées et prolongés du fait de la grande précarité des conditions de vie des parents. Mais qu’est-ce qui est mis en place afin d’agir sur les causes de ce constat et non pas sur ces conséquences? L’expérience montre que des placements se prolongent parfois durant des années, ponctués par des droits de visites, mais sans que parents et enfants aient la possibilité de réellement “vivre ensemble”, de faire l’expérience de temps de vie familiale. Ceci s’explique par les conditions matérielles de vie des parents mais aussi par la nécessité absolue de créer pour certaines familles des contextes de soutien à l’exercice de la fonction parentale.

C’est tout cela qui a suscité, chez les professionnels, une envie d’imaginer, de penser autrement, de réfléchir à un dispositif alternatif. Que faire donc pour accompagner et soutenir les relations familiales quand il y a eu placement? Comment créer les conditions pour que “ces parents qu’on ne regarde pas”, se sentent exister, reprennent confiance en eux et puissent ainsi créer une autre façon de vivre leurs liens familiaux? Comment créer un contexte qui permette aux parents de sortir d’une position unique de prise en charge, indispensable mais parfois vécue comme persécutante, pour être “pris en compte” en tant que personnes, et en tant que parents restaurant des liens de façon progressive avec leurs enfants?

Que cherche-t-on à prévenir?

“Lutter contre les violences visibles et invisibles vécues par les familles”.

Cette phrase reste, selon nous, une priorité dans nos actions de préventions. L’absence d’un véritable lien lors d’une mesure de placement étant vécu comme une réelle violence par les familles, nous ne pouvons que porter une attention particulière à cette question.

L’hypothèse que nous posons est que ce type de projet peut prévenir le phénomène qui est aujourd’hui observé dans différentes études et qui montrent que, en moyenne, les parents ont tendance à s’absenter de la vie de leur enfant après 3 ans de placement. La séparation et le manque de contacts et la nature de ces derniers génèrent une souffrance trop grande et poussent les parents à baisser les bras dans leur combat pour la vie en famille. Cet échec ajoute encore davantage de souffrance pour ces mamans et ces papas et sont également dramatiques pour ces enfants qui doivent désormais grandir sans contacts avec leurs familles, leurs racines, leurs socles.

Le décret caractérise le placement par son exceptionnalité et par le fait que, dans le respect de l’intérêt de l’enfant, il est particulièrement veillé au respect du droit d’entretenir des relations personnelles avec son ou ses parent(s). Le dispositif “Un temps pour nous” a également pour objectif de réaffirmer ces principes et à ouvrir le débat sur ce qui est aujourd’hui organisé pour les rencontrer.

Quel est le timing de l’action?

Actuellement, le projet est dans une phase d’expérimentation. A l’heure où nous écrivons ces quelques lignes, un deuxième séjour est en cours de préparation et aura lieu en décembre 2021. Cette phase d’expérimentation devra se poursuivre en 2022 afin d’acquérir l’expérience nécessaire qui permettra d’envisager de porter le projet plus loin.

Quelle transformation sociale est souhaitée?

La mise en place d’un dispositif comme “Un temps pour nous” répond à une forte demande tant du côté des familles que des professionnels mais a aussi vocation à ouvrir le débat sur la question du maintien du lien dans la séparation. Si nous, travailleurs en milieux ouverts, sommes convaincus du bienfait de ce type de projet, il n’en est pas forcément de même pour tous les acteurs de l’Aide à la Jeunesse.

Quels sont les acteurs mobilisés et quelles relations seront construites entre eux? Quels sont les apports et retours espérés pour chacun d’eux?

La collaboration autour du projet “Un temps pour nous” est primordiale et le succès de la mise en place du dispositif en dépend fondamentalement. Aujourd’hui, différents acteurs du secteur de l’Aide à la Jeunesse se mobilisent:

  • les autorités mandantes (SAJ et SPJ) verviétoises;
  • le Service de Prévention, division Verviers;
  • le SASE “Oasis” de Dolhain;
  • le mouvement ATD Quart Monde (mouvement de lutte contre la pauvreté, agréé notamment en éducation permanente).

 

Cette collaboration doit encore être élargie et se verra certainement augmenté en 2022.

Au vu des enjeux et des situations souvent compliquées qui ont poussé à organiser la mesure de placement, une collaboration solide doit pouvoir être mise en place pour que le projet puisse prendre une ampleur plus importante. Un protocole de collaboration est actuellement en construction. Ce dernier balisera le partenariat avec les autorités mandantes qui ont notamment pour rôle d’organiser les contacts entre enfants placés et leur(s) parent(s).