Laetitia Genin,
Vie Féminine

Entretien 03

Vie Féminine est un mouvement d’éducation permanente qui réalise un travail collectif, participatif, réflexif et critique pour lutter contre toutes formes de domination subies par les femmes.

Le mouvement s’estime en forte résonance avec la politique de prévention de l’aide à la jeunesse à quatre points de vue au moins:

  • au niveau de l’approche, dans la mesure où le mouvement ne croit pas à une approche répressive;
  • au niveau du public, puisque les femmes avec qui et pour qui le mouvement se mobilise sont les femmes vulnérables;
  • au niveau des actions: le mouvement sensibilise, informe et forme, notamment les professionnels;
  • au niveau de l’enjeu: le mouvement lutte contre l’invisibilité de la domination subie (nous retrouvons là «les violences qui échappent aux regards»*).

L. Genin développe un exemple d’alliance avec le secteur de l’aide à la jeunesse: les violences institutionnelles involontaires qui sont produites au sein des SAJ et SPJ.
Ces violences sont notamment dues à une confusion entre le concept de «conflit parental» et le concept de «violence conjugale». Cette confusion aboutit à renforcer la violence, par exemple en proposant systématiquement une médiation (contre-productive en cas de violence conjugale), en imposant des rendez-vous où les deux parents sont d’office présents, etc.
Ce concours involontaire à la domination a des impacts très importants au niveau des enfants.

Vie féminine pense que seul un véritable dispositif articulant une variété d’actions (formation continuée approfondie des agents, actions de sensibilisation, ateliers participatifs avec les publics…) pourrait permettre d’éviter ces violences invisibles et leurs conséquences; le mouvement a par ailleurs pleinement conscience de la surcharge de travail des agents de l’aide à la jeunesse qui constitue un obstacle important pour une telle formation, qui est d’ailleurs discutée avec le Ministère. Il n’est pas question d’une critique de l’extérieur, mais d’une proposition d’alliance.

Plus largement, L. Genin met en avant les conditions d’une alliance:

  • que chacun puisse garder son propre ancrage;
  • qu’on identifie bien les dangers qui résultent d’une posture où on pense trop vite qu’on a compris ce que le partenaire amène.

Cette intervention peut nourrir une réflexion sur la manière d’obtenir une transformation sociale: le choix de travailler sur les institutions mais avec elles est probant en l’occurrence, reposant sur la capacité à comprendre les contraintes de l’autre*.

Enfin, l’expérience de Vie Féminine avec l’aide à la jeunesse peut nourrir la réflexion sur la participation des familles: comment contribuer à l’émergence d’une lecture critique collective, où on sort de l’émotionnel spontané; comment combiner protection des personnes et représentation, au bénéfice de l’action de transformation.

 

*Notes d’analyse