Marie-Hélène Bodart,
directrice d’école

Entretien 10

Madame Bodart est directrice d’une école qualifiante qui comprend aussi un CEFA (Centre d’Education et de Formation en Alternance) et un DASPA (classes passerelles pour primo-arrivants).

Madame Bodart plaide vigoureusement pour que le jeune soit pris dans sa globalité et pour que l’école s’ouvre à des partenariats et se conçoive dans son environnement. C’est d’abord en cela qu’elle est intéressée par la prévention dans sa dimension intersectorielle.
Elle œuvre au quotidien pour lutter contre la logique de reproduction sociale qui soutient les pratiques de relégation et de non-choix (du général vers le professionnel).

Elle rappelle que l’école n’existe que parce qu’il y a des jeunes; elle a donc une part de responsabilité à assumer envers eux. Cette option conduit à refuser de restreindre l’enseignement à la dimension pédagogique; il doit assumer pleinement sa responsabilité éducative qu’elle définit comme suit: faire des citoyens, permettre aux jeunes de trouver un job, de ne pas se perdre – ce qui implique aussi de ne pas lâcher sur l’apprentissage des compétences.

Ses propos s’inscrivent pleinement dans la lutte contre la vulnérabilité telle que Robert Castel la pense*; dans ses mots à elle, le jeune doit pouvoir se donner les moyens de faire ses propres choix, de ne pas tuer ses désirs (l’école comme ascenseur social, logique d’intégration) de sortir de la reproduction sans casser avec son milieu (logique d’insertion).

Madame Bodart a créé un SAS dans son école, le Quai, où le travail éducatif est développé au profit de l’accrochage scolaire.
Elle participe aussi à la plateforme enseignement/aide à la jeunesse, qu’il convient pour elle de mieux faire vivre. Elle pointe trois difficultés:

  • la plateforme est trop peu investie par les acteurs de l’enseignement;
  • ses actions sont trop peu connues et trop peu visibles;
  • la logique de participation volontaire montre toutes ses limites, il faut une imposition.

Toute l’action et l’investissement de cette directrice va dans le sens de ce qu’Alain Touraine appelle «l’Ecole du Sujet»1 et qu’il oppose à «l’école du devoir». Il est peut-être dommageable que cette correspondance, qui rend de facto légitimes les partenariats avec l’aide à la jeunesse, ne soit pas davantage connue et explicitée*.


Enfin, Madame Bodart propose une question à instruire dans le cadre des Assises de la prévention: comment aider l’enseignement à s’ouvrir à l’intersectoriel?​

Note 1: Pour une présentation succincte de cette approche, voir J. Blairon, «L’Ecole du Sujet, un repère structurant?», https://intermag.be/405 et «Education capitale, un projet du Délégué général aux droits de l’enfant, sens et enjeux», https://intermag.be/404.

*Notes d’analyse