Le point de vue du service d’accompagnement et de contrôle pédagogiques

Entretien 17

Les missions du service lui confèrent une capacité d’observation des pratiques et de relais des préoccupations des acteurs; le point de vue des propos tenus par les inspectrices est celui qui s’ancre dans ces observations et cette écoute du terrain.

Les questions concernant le public

Les inspectrices regretteraient qu’une interprétation trop restrictive de la vulnérabilité ne s’installe. A côté des dimensions qui concernent les ressources et celles qui correspondent aux liens socio-familiaux, il faut en effet prendre en compte les fragilités psychologiques en tant que telles qui peuvent toucher un(e) jeune ou un enfant quel qu’il soit, et sa famille. Cette prise en compte concerne évidemment la prévention éducative, mais pas seulement: les difficultés d’accès au secteur de la santé mentale constituent un exemple d’une vigilance à mettre en œuvre.

Quant à la question de l’âge qui définit la légitimité des interventions des acteurs de la prévention, les points d’attention suivants sont relayés:

  • il est important de ne pas abandonner le soutien à la parentalité, action spécifique au secteur de l’aide à la jeunesse;
  • il est regrettable que les missions aient été étendues (extension jusqu’à 22 ans) sans que les moyens aient été augmentés: cela revient à surcharger des petites équipes déjà surchargées;
  • l’allongement de l’âge éligible (jusque 22 ans, avec le constat d’une perméabilité existant sur le terrain jusque 25 ans) n’est pas une solution en soi; travailler avec les autres secteurs en se focalisant sur la transition vers l’âge adulte semble plus opportun;
  • il faut aussi porter attention au travail nécessaire de préparation à l’autonomie au sein même du secteur de l’aide à la jeunesse, pour éviter les problèmes liés à la «mise en autonomie» et au passage à la majorité.

Quant aux missions de prévention sociale

Il est essentiel de ne pas véhiculer d’amalgame «précarité sociale-aide à la jeunesse». Les situations de difficulté sont plus complexes.
S’il est nécessaire et légitime de lutter contre les conditions de vie déplorables qui frappent trop de citoyens et de familles, on peut se demander si le secteur de l’aide à la jeunesse est bien en mesure, avec ses moyens limités, d’obtenir de telles transformations qui sont du ressort des politiques globales.
Cette ambition très élevée doit être mise en regard des moyens effectivement mobilisables, d’autant que l’importance accordée au livre 1 et à ses protagonistes produit des attentes en retour.

Des clarifications à apporter

La logique ascendante qui est prescrite mériterait une clarification quant au rôle des chargés de prévention: leurs actions sont-elles celles qui sont décidées par les conseils sur base des diagnostics sociaux des AMO ou est-il attendu ou possible qu’ils développent des actions propres?
L’idéal serait peut-être de maintenir à la fois l’autonomie et la présence locale des AMO et autres services œuvrant à la prévention tout en donnant parfois plus d’ampleur territoriale et de visibilité à certaines actions par l’entremise des chargés.
Complémentairement, il faudrait s’interroger sur les chevauchements éventuels des missions des Conseils de concertation intra-sectorielle (CCIS) et des conseils de prévention qui pourraient être à l’origine de confusion ou de déperdition.

Clarifier les notions de prévention éducative et de prévention sociale s’avérerait aussi utile, notamment en ce qui concerne les actions collectives, qui peuvent comporter les deux dimensions entremêlées.

Il faudrait aussi réfléchir à la mobilisation des autres secteurs dans les conseils, compte tenu du caractère chronophage du fonctionnement en réseau, plateforme etc.: comment intéresser, entretenir l’intérêt, etc.

Une mise à plat des «compétences» territoriales des AMO serait aussi utile: dans certains cas, revoir la répartition géographique serait judicieux, mais il faudrait aussi s’interroger sur la couverture du territoire (certaines zones ne sont pas couvertes). Le cas des AMO qui sont à cheval sur deux divisions (et pour qui le travail est doublé) est emblématique de cette nécessité.

La prévention, une posture

On peut considérer en prenant un peu de hauteur que la prévention, c’est finalement une posture, «une façon de voir les choses» qui peut concerner tous les acteurs de l’aide à la jeunesse. D’ailleurs, sur le terrain, de nombreuses collaborations entre les acteurs des différents livres sont observables et elles doivent être encouragées. On peut d’ailleurs se demander s’il ne faudrait pas tendre à intégrer une vigilance à la prévention (en termes d’attention aux besoins des jeunes) dans chaque action et chaque politique qui les touche directement ou indirectement (à l’instar de la vigilance accordée aux questions qui touchent le genre).