Muguette Poncelet,
directrice du SPJ de Neufchâteau

Entretien 11

M. Poncelet est très investie dans la politique de prévention. Forte de ses expériences, elle avance une série de propositions intra- et intersectorielles qui résonnent beaucoup avec les analyses de ­­J.-‍Y. Charlier (02) et ­­J.-‍M. Delcommune (07)*.

M. Poncelet pose d’abord que la prévention définie dans le livre 1 devrait conduire à agir au tout début des difficultés, ce qui devrait permettre de diminuer le recours aux services spécialisés (SAJ, SPJ). Elle rejoint ainsi l’exposé des motifs du Code lorsqu’il énonce:
«Ce livre a pour objet de déterminer le cadre dans lequel s’inscrivent les actions de prévention, qui doivent permettre de réduire le nombre de jeunes en difficulté ou en danger et donc d’éviter l’intervention des services d’aide à la jeunesse et de protection de la jeunesse
1.»*

Cependant, ce n’est pas le cas et cela pose question.

Elle constate ensuite que le Code introduit une cohérence entre l’ensemble de ses livres et réunit les conditions d’une articulation entre tous leurs acteurs. Elle donne l’exemple des agents de liaison (elle-même comme chef de service a consacré un mi-temps de délégué SPJ pour renforcer cette fonction transversale entre le SAJ et le SPJ) qui peuvent permettre un apport à la prévention en suscitant une réflexion sur «ce qui n’a pas marché» en termes de prévention (cfr la position de ­J.-‍Y. Charlier (02) et ­A.-‍C. Silvestri (08)*).
Mais cette articulation entre les acteurs des différents livres suscite un certain nombre de résistances qu’il faut dépasser, notamment en travaillant sur les postures professionnelles (cfr L. Vandormael (01)*) et les marqueurs ­(cfr ­J.-M. Delcommune (07)*).

Par rapport au livre 1 en tant que tel, les apports à la réflexion de Madame Poncelet sont les suivants.

  • M. Poncelet enrichit le concept de vulnérabilité en attirant l’attention sur la stigmatisation des personnes qui sont un peu «hors normes»; un des effets de cette stigmatisation est qu’elles sont considérées comme non capables de se prendre en mains et d’éduquer leurs enfants. Elles n’ont de crédit aux yeux de personne (et surtout d’aucune institution) et se voient dès lors imposer un «mode d’emploi» plutôt qu’être aidées à trouver le leur. Cette position revient à rappeler l’importance du capital symbolique, cette énergie, ce crédit qui est une capacité d’accumulation qui est au principe de la possibilité même de se construire un capital social, culturel ou économique*.
  • Au niveau de la prévention éducative, elle regrette que trop d’AMO s’arrêtent vite dans l’aide individuelle lorsque la demande d’aide n’est pas «totale» dès le début. Il y a parfois une réticence à collaborer avec le SPJ alors qu’un protocole avait été élaboré avec certaines AMO en son temps. M. Poncelet considère que les AMO sont mandatées par les familles et qu’il y aurait lieu à se pencher sur les conditions de ce mandat: ne peuvent-elles être considérées comme «commanditaires» (selon le terme de M. Hicter2) sans pour autant être allègrement demandeuses*?
  • Au niveau de la prévention sociale, il y a trop de micro-projets, trop segmentés, qui sont aussi trop localisés (certaines communes du territoire ne sont pas du tout touchées). Or il y a besoin dans l’arrondissement, compte tenu de sa spécificité, d’actions plus larges, au niveau du logement, de la mobilité, de la suppression du statut de cohabitant, comme le demande le RWLP.
  • L’extension de l’âge doit être poursuivie, pour aller jusqu’à 25 ans et rencontrer notamment les besoins des jeunes parents.
  • La politique de prévention doit s’incarner dans des exemples concrets qui la matérialisent.
  • Il faut réussir plus d’articulations entre les secteurs (par exemple avec les maisons médicales) et que ces articulations dépendent moins de personnes volontaires; elles doivent engager les institutions en tant que telles.
  • Enfin, M. Poncelet s’interroge sur la manière d’articuler les secteurs: à côté de la coordination de l’aide contrainte assurée par les délégué(e)s, quelle organisation inventer pour que les secteurs puissent contribuer chacun et qu’on puisse éviter de faire faire 10.000 choses impossibles aux familles vulnérables sans par ailleurs agir sur les causes de leur situation?
 
Note 1: http://www.aidealajeunesse.cfwb.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&g=0&hash=bc105849bf867f9a781e3ae7bec707c42f7f3581&file=fileadmin/sites/ajss/upload/ajss_super_editor/DGAJ/Documents/code-AJ02-18_06_19_WEB.pdf, p.13
Note 2: Pour Marcel Hicter, en effet, il n’y pas d’engagement et de prise de responsabilité des populations s’il n’y a pas, dans le chef de «l’animateur», des suggestions d’engagement.

*Notes d’analyse